Lettre ouverte à Monsieur le Préfet
La réponse que vous avez bien voulu apporter à notre première lettre ne nous convainc pas. Pour tout dire, elle nous paraît superficielle et unilatérale. Ainsi, lorsque vous abordez le problème de la baisse du nombre d’accouchement dans notre Clinique, vous semblez ignorer que cette baisse s’est opérée dans un contexte où :
- la population d’Alfortville croissait de plus de 15% en l’espace de 7 ans
- la population rajeunissait puisque la tranche 15 ans/44 ans représente 47% du nombre total d’habitants en 2006.
- Dans le même temps, le taux de natalité est passé de 17,4 à 18,6%, ce qui a abouti à plus de 800 naissances par an dans les foyers alfortvillais.
N’y t-il pas là un paradoxe ? A tout le moins, au regard de ces données, nous sommes fondés à penser que cette baisse de l’activité d’obstétrique n’est ni fatale, ni irréversible, loin s’en faut. Potentiellement, notre établissement pourrait réaliser bien plus de 500 accouchements par an. D’autant que les villes limitrophes de Choisy le Roi et de Maisons Alfort sont dépourvues de toute structure hospitalière. Une chose est sûre : on peut supprimer un service mais, en revanche, on ne peut pas supprimer les besoins qui l’ont rendu nécessaire et utile.
Vous invoquez la sécurité pour préconiser implicitement la suppression des structures de niveau 1. Nous pensons au contraire que les structures de niveau 1 sont un maillon de la chaîne de la santé publique et que les plateaux techniques des établissements de niveau 2 et 3 doivent être réservés aux grossesses à risque. La fermeture progressive d’établissements de proximité comme le nôtre entraîne la saturation des services de niveau 2 et 3 et une surcharge de travail pour leur personnel qui fragilise la sécurité des patients et leur suivi. Ainsi, à St Maurice et Créteil (intercommunal), les carnets d’inscriptions en maternité sont pleins jusqu’en février prochain. Il existe donc, qu’on le veuille ou non, un risque de crise sanitaire. Or, il entre dans vos prérogatives de prévenir toute crise de ce type. En chirurgie, il faut attendre des mois pour subir des interventions bénignes dans les hôpitaux dont les plateaux techniques sont conçus pour des opérations lourdes et délicates. Combien de mois faudra-t-il attendre pour une opération de la cataracte au CHU Mondor, une fois « transformée » la clinique La Concorde ?
D’autre part, il semble que l’aspect social de ces décisions de fermeture vous échappe. A cet égard, il nous a paru utile de dresser un comparatif entre Neuilly-sur-Seine et Alfortville
Neuilly : 61 471 habitants. 5 cliniques privées et un Centre hospitalier intercommunal. Soit un établissement pour 10245 habitants Alfortville : 42 743 habitants, 1 clinique privée à ce jour et donc un seul établissement pour 42 743 habitants. Soit un établissement pour 4 fois plus de patients potentiels.
Nota bene : à Alfortville, la population de 20 à 39 ans représente 35% de la population contre 27% à Neuilly. Et, pourtant, à Neuilly, on dénombre trois services de maternité. Il est à noter que le service de Maternité de l’hôpital américain est proche de ce que vous appelez le « seuil critique des 500 accouchements ».
Bien entendu, ces quelques comparaisons se passent de commentaires, elles parlent d’elles-mêmes, la composition sociale de ces deux villes étant sans commune mesure. Demain, la « proximité » sera-t-elle l’apanage des couches les plus aisées et des villes dites «riche» ? Quant au seuil de technicité des actes à l’année (qui est rehaussé au fil des ans en lien, semble t-il, avec le déploiement de la tarification de l’acte), son caractère global finit par le rendre insignifiant car il ne rend pas compte du nombre d’acte par praticien, par sage femme, qui donnerait une meilleure évaluation de la technicité du personnel soignant que les estimations globalisantes.
S’agissant de l’implantation d’un centre de SSR qui aurait pu être établi à l’étage vacant de notre établissement, vous nous faites valoir qu’il répond à des besoins de soins au niveau régional. Dont acte. Mais cela ne manquera pas de poser problème : pourquoi les besoins régionaux devraient-ils empiéter sur les besoins locaux ? S’il s’agit d’un besoin régional, n’y a-t-il pas la place pour construire des centres dédiés aux SSR sur des terrains vacants de notre secteur, comme à Saint-Maur par exemple ou Sucy-en-Brie ?
En bref, ni vous, ni l’ARH n’avez pu nous opposer une baisse de la demande de soins dans le secteur considéré. Par contre, vous évoquez le déficit financier de l’activité de Chirurgie dont nous aimerions bien connaître l’origine : baisse d’activité ? Endettement ? Désengagement partiel du groupe AMS ? Autres ?
Quoi qu’il en soit, nous considérons que la décision prise conjointement par l’ARH et le groupe AMS est, au minimum, hasardeuse. Au demeurant, après avoir lâché la proie pour l’ombre, rien ne nous garantit que les SSR, prochainement soumis à la T2A, ne soient pas « déficitaires » à leur tour. Aussi bien, du point de vue de l’intérêt général de nos concitoyens, le maintien de la Polyclinique, de tous ses services et de tous ses emplois est nécessaire et vital.
En espérant avoir été entendues, veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de nos salutations respectueuses
Samira Guerroumi
Sage femme